La Maison de Verre

Révélée par les architectes du monde entier, la Maison de Verre reste énigmatique. Cachée au fond d’une cour du 7ème arrondissement de Paris, la maison est privée et se visite peu.

Le projet architectural prend origine dans les années 1920. Pierre Chareau et son épouse Louise se lient d’amitié avec Annie et Jean Dalsace, et c’est vers Chareau que le couple se tourne quand il s’agit de démolir et reconstruire leur hôtel particulier rue Saint Guillaume.

Les Dalsace auront cependant à faire face à une contrainte de taille, lorsque leur locataire du dernier étage refuse de déménager. Pierre Chareau prépare alors un projet où l’étage supérieur et le côté de l’hôtel particulier sont conservés, glissant ainsi la nouvelle maison sous l’ancien hôtel particulier. La nouvelle structure est construite sur pilotis et éclairée par une façade de verre.

Construction de La Maison de Verre | Chiara Colombini

Ce sera la première façade jamais construite tout en verre. Les briques de verre Nevada de Saint Gobain sont toutes nouvelles – disponibles uniquement depuis 1928. Saint Gobain montrera des reticences à les fournir, et refusera de les assurer, craignant qu’elles ne se fissurent, car empilées trop haut.

De façon novatrice, la structure en acier, les canalisations et les conduits restent visibles et participent à l’architecture, transformant ainsi les éléments utilitaires de la maison en éléments décoratifs. De l’intérieur, les pièces sont éclairées grâce aux rayons du soleil filtrés par les briques de verres le jour, et grâce à des projecteurs dans le cour la nuit.

«La lumière ici est magnifique, que vous soyez à l’intérieur ou à l’extérieur. Elle pénètre dans le bâtiment pendant la journée, magnifiquement diffuse. Ensuite, lorsque vous vous tenez à l’extérieur du bâtiment la nuit, elle sort comme d’une lanterne magique… »

Renzo Piano

Composée de trois étages, la maison est conçue comme une oeuvre totale. Chareau dessina tous les meubles et luminaires de la maison (sauf une table de salle à manger). Même les poignées de porte furent pensées pour le lieu : conçue selon un angle spécial, la poignée du cabinet du Docteur Dalsace permettait au docteur de s’incliner en donnant congé à ses patients. Annie Dalsace dira que Pierre Chareau « a commencé par créer les meubles, puis les pièces où mettre les meubles, puis la maison pour mettre les pièces… »

Conçue sur un mode industriel, la maison est devenue un modèle du sur-mesure. Robert Rubin, l’actuel propriétaire la décrit comme « une idée très poétique des possibilités offertes par la préfabrication… » Si Chareau a pu utiliser des matériaux industriels, il les a travaillés de façon très artisanale.

Chareau associe le verre aux bois exotiques et occidentaux, ainsi qu’à du caoutchouc et à de la tôle perforée. Ce qui est incroyable, dit Rubin, c’est « la tension entre le manufacturé et l’artisanal qui se dégage de cet espace ».

Le salon « une des plus belles pièces du 20ème siècle » Ada Louise Huxtable, NY Times

Chaque détail est pensé : les tables sont soit amovibles soit à ailettes et les sièges se replient. L’escalier est escamotable et la cabine téléphonique s’allume avec le poids du corps lorsque l’on y entre…

Un système de ventilation s’active avec une grande roue, la bibliothèque et la balustrade se confondent et les panneaux sont mobiles, se plient et se tournent. Dans ce lieu, chaque objet permet de jouer et d’interagir avec l’espace. La maison est dynamique, et même un siècle plus tard, elle continue de fasciner et d’étonner.

Le boudoir d’Annie Dalsace, avec son escalier escamotable *« anti belle-mère »* menant à la chambre situé au-dessus, qu’Annie avait l’habitude d’emprunter pour fuir sa belle-mère

Le mobilier de la maison a évolué avec le temps, et avec le départ de la famille Dalsace. On a pu retrouver au fil des années des pièces design iconiques comme le lampadaire ‘G30’ par Sammode de Pierre Guariche…

Vente aux enchères

Une partie du mobilier si exceptionnel, dessiné par Pierre Chareau pour la Maison du Verre, sera mis en vente aux enchères le 7 octobre 2021 par Christie’s. Une soixantaine de meubles, jusqu’ici entreposés par les descendants du couple Dalsace, sera proposée à la vente, ainsi que des tableaux de leur collection personnel signés par de grands noms tels que Picasso ou Braque.